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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/218

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la glace, de baiser ses bras et de palper son corps avec une frénétique insatiété, c’était toujours seul, loin d’elle ; l’image de Lisbeth ne venait jamais se joindre au cortège habituel de ses évocations.

Cependant, pour Lisbeth, la date du départ approchait ; elle devait quitter Paris le dimanche suivant, par le train de nuit, et n’avait pas eu le courage d’en avertir Jacques.

Ce dimanche-là, à l’heure du dîner, Antoine, sachant son frère en haut, rentra chez lui. Lisbeth attendait. Elle se jeta sur son épaule en pleurant.

— « Eh bien ? » demanda-t-il avec un étrange sourire.

Elle fit signe que non.

— « Et tu pars tout à l’heure ? »

— « Oui. »

Il eut un geste d’impatience.

— « C’est sa faute, aussi ! » fit-elle : « Il n’y pense pas. »

— « Tu avais promis d’y penser pour lui. »

Elle le regarda. Elle le méprisait un peu. Il ne pouvait pas comprendre que pour elle,