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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/217

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Lisbeth et Jacques évitaient les gestes inédits. Leur étreinte était toute dans cette pression patiente et continue de leurs visages, et aussi, à chaque respiration, dans cette caresse que procurait aux doigts la tiède palpitation des poitrines. Pour Lisbeth, qui souvent semblait lasse, elle écartait sans effort toute sollicitation des sens : auprès de Jacques ; elle se grisait de pureté, de poésie. Quant à lui, il n’avait même pas à repousser de tentation plus précise : ces chastes caresses trouvaient leur fin en soi ; l’idée qu’elles pussent être le prélude d’autres ardeurs, ne l’effleurait même pas. Si parfois la tiédeur de ce corps féminin lui causait un trouble physique, c’était presque sans qu’il en prit conscience : il serait mort de dégoût et de honte, à la pensée que Lisbeth pût s’en apercevoir. Auprès d’elle, jamais aucune convoitise impure ne l’avait assailli. La dissociation était complète entre son âme et sa chair. L’âme appartenait à l’aimée ; la chair menait sa vie solitaire dans un autre monde, dans un monde nocturne où Lisbeth ne pénétrait pas. S’il lui arrivait encore, certains soirs, ne pouvant trouver le sommeil, de se jeter hors des draps, d’arracher sa chemise devant