Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/24

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duire en promenade, et au professeur, qui venait de Compiègne lui donner deux ou trois leçons par semaine. Mon père et mon frère viennent me voir ! M. Thibault se rendait officiellement à Crouy le premier lundi de chaque mois pour y présider le Conseil de Direction, et, ce jour-là en effet, avant de repartir, il faisait comparaître quelques instants son fils au parloir. Quant à Antoine, il avait bien manifesté le désir d’aller faire visite à son frère à l’époque des grandes vacances, mais M. Thibault s’y était opposé : « Dans le régime de ton frère », disait-il, « l’important, c’est la régularité de l’isolement. »

Les coudes sur les genoux, il tournait le papier entre ses doigts. Il avait pour longtemps perdu le repos. Il se sentit tout à coup si désemparé, si seul, qu’il fut sur le point de tout confier à cette femme éclairée qu’un bon hasard mettait sur sa route. Il leva les yeux vers elle : les mains sur sa jupe, la figure pensive, elle semblait attendre. Son regard était pénétrant :

— « Si nous pouvions vous aider à quelque chose ? » murmura-t-elle en souriant à demi. La blancheur de ses cheveux légers faisait