Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/25

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plus jeunes encore ce sourire et tout son visage.

Cependant, au moment de s’abandonner, il hésita. Daniel le contemplait de son air juste. Antoine craignit de paraître irrésolu, et plus encore de donner à Mme de Fontanin une fausse image de l’homme énergique qu’il était. Mais il se donna une meilleure raison : ne pas divulguer le secret que Jacques prenait tant de soin à cacher. Et, sans tergiverser davantage, se méfiant de lui-même, il se leva pour partir, la main tendue, avec ce masque fatal qu’il prenait volontiers et qui semblait dire à tous : « Ne m’interrogez pas. Vous me devinez. Nous nous comprenons. Adieu. »


Dehors, il se mit à marcher devant lui. Il se répétait : « Du sang-froid. De la décision. » Cinq ou six années d’études scientifiques l’obligeaient à raisonner avec une apparence de logique : « Jacques ne se plaint pas, donc Jacques n’est pas malheureux. » Et il pensait exactement le contraire. Il se rappelait avec obsession cette campagne de presse menée jadis contre le pénitencier ; il se rappelait surtout un article intitulé