Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/275

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fatale obsession, au baiser du matin, dans la chambre.

— « Est-ce…. qu’on voit quelque chose ? » murmura-t-elle.

Il ne voulut pas répondre tout de suite : il savourait la délicieuse angoisse dont était fait ce silence ; et, dispensé de toute retenue par les ténèbres, il s’était tourné vers Nicole et dilatait les narines pour aspirer l’air qui l’enveloppait.

— « Non, pas encore », scanda-t-il enfin.

Il y eut un nouveau silence. Puis, la cuvette que Nicole ne quittait pas du regard, devint immobile : les deux, mains de flamme avaient déserté la lueur de la lampe. Ce fut un moment interminable. Brusquement, elle se sentit saisie à pleins bras. Elle n’eut aucune surprise et fut presque soulagée d’être délivrée de l’attente ; mais elle rejeta le buste en arrière, à droite, à gauche, pour fuir la bouche de Daniel qu’elle espérait et redoutait à la fois. Enfin leurs visages se trouvèrent. Le front brûlant de Daniel heurta quelque chose d’élastique, de glissant et de froid : la tresse que Nicole portait enroulée autour de la tête ; il ne put réprimer un frisson, un léger mouvement de recul ; elle en profita