Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/274

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pencha vivement, et fit mine de renouer le lacet de son soulier. Il entendit qu’Antoine répondait pour lui. Ses oreilles bourdonnaient. Il souhaita mourir. Jenny le regardait-elle ?


Il y avait plus d’un quart d’heure déjà que Daniel et Nicole étaient entrés dans le cabinet noir.

Daniel s’était hâté de pousser le loquet et de dérouler les pellicules hors de l’appareil :

— « Ne touchez pas à la porte », dit-il ; « le moindre filet de jour voilerait toute la bande. »

Aveuglée d’abord par l’obscurité, Nicole aperçut bientôt, tout près d’elle, des ombres incandescentes qui se mouvaient dans le halo rouge de la lanterne ; et peu à peu elle distingua deux mains de fantôme, longues, fines, tranchées au poignet, et qui balançaient une petite cuve. Elle ne voyait rien d’autre de Daniel que ces deux tronçons animés ; mais le réduit était si étroit, qu’elle sentait chacun de ses mouvements comme s’il l’eût frôlée. Ils retenaient leur souffle, songeant l’un et l’autre, par une