Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/289

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Lorsqu’il eût refermé la porte et donné de la lumière, il vit qu’elle allait tout droit à leur chambre, et s’asseyait sur le canapé, avec les gestes de jadis. Il aperçut alors, à travers le crêpe, ses paupières gonflées et son visage, enlaidi peut-être, mais transfiguré par la tristesse. Il remarqua qu’elle avait un doigt enveloppé de linge. Il n’osait pas s’asseoir ; il ne pouvait écarter de son esprit les lugubres circonstances de ce retour.

— « Comme il fait lourd », dit-elle ; « il va faire de l’orage. »

Elle se déplaça un peu sur son siège, et son attitude semblait inviter Jacques à prendre la place qu’elle lui faisait près d’elle : sa place. Il s’assit ; et aussitôt, sans dire un mot, sans retirer son voile, l’écartant seulement du côté de Jacques, elle mit comme autrefois son visage tout contre le sien. Le contact de cette joue mouillée lui fut désagréable. Le voile de crêpe dégageait un relent de teinture, de vernis. Il ne savait que faire, que dire. Il voulut prendre sa main ; elle poussa un cri :

— « Vous êtes blessée ? »

— « Ach, c’est un… un panaris », soupira-t-elle.