Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/290

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Tout se mêlait dans ce soupir : son mal, son chagrin, le flot de sa tendresse sans issue. Elle déroulait distraitement le pansement ; et lorsque le doigt apparut, frippé, livide, l’ongle décollé par l’abcès, Jacques eut un arrêt de respiration, une seconde de vertige, comme si elle eût soudain dénudé quelque place de chair secrète. Pourtant la chaleur de ce corps si proche le pénétrait à travers les vêtements. Elle tourna vers lui ses yeux de faïence, qui semblaient toujours prier qu’on ne lui fit pas de peine. Alors il eut envie, malgré sa répugnance, de baiser la main malade, pour la guérir.

Mais elle s’était levée et roulait tristement la bande autour de son doigt.

— « Il faut que je retourne », dit-elle. Elle avait l’air si las, qu’il proposa :

— « Laissez-moi vous faire une tasse de thé ? Voulez -vous ? »

Elle lui jeta un étrange regard, et, seulement après, sourit.

— « Je veux bien. Je vais faire une petite prière là-bas, et je reviens. »

Il se hâta de faire chauffer l’eau, de préparer le thé, de le porter dans sa chambre. Lisbeth n’était pas revenue. Il s’assit.