Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/294

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Il faisait grand jour lorsqu’enfin il ouvrit les yeux.

Il aperçut tout d’abord la théière sur la table ; puis sa veste, à terre, en tapon. Alors il se souvint ; il se leva. Et une irrésistible envie le prit aussitôt de quitter ce qui lui restait de vêtements, et de laver à grande eau ses membres moites. La fraîcheur du tub lui parut un baptême. Encore ruisselant, il se mit à aller et venir par la chambre, cambrant les reins, palpant ses jambes nerveuses, sa peau fraîche, avec un total oubli de ce que pouvait lui rappeler de honteux cette complaisante adoration de sa nudité. La glace lui offrit sa svelte image, et pour la première fois depuis bien longtemps, il contempla, sans trouble aucun, les particularités de son corps. Au souvenir de ses égarements, il eut même un haussement d’épaules, suivi d’un sourire indulgent. « Des bêtises de gosse », songea-t-il ; ce chapitre-là lui semblait définitivement clos, comme si des forces longtemps méconnues, longtemps déviées, eussent enfin trouvé leur véritable carrière. Sans réfléchir précisément à ce qui s’était passé cette nuit, sans même penser à Lisbeth, il se sentait le