Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/46

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restait calme, et, bien qu’il fût souriant, ne témoignait aucune joie véritable. Antoine s’avança la main tendue ; lui aussi feignait sa joie.

— « Voilà une heureuse surprise, Jacques, n’est-ce pas ? » s’écria le directeur. « Mais je vais vous gronder : il faut mettre votre pardessus et le boutonner, quand vous êtes à la chapelle ; la tribune est froide, vous attraperiez du mal ! »

Jacques s’était détourné de son frère dès qu’il avait entendu M. Faîsme s’adresser à lui, et il regardait le directeur au visage, avec une expression respectueuse mais surtout attentive, comme s’il eût cherché à comprendre tout le sens que ses paroles pouvaient receler. Puis, immédiatement, sans répondre, il enfila son paletot.

— « Tu es rudement grandi, tu sais… » balbutia Antoine. Il examinait son frère avec stupéfaction, s’efforçant d’analyser ce changement complet d’aspect, d’allure, de physionomie, qui paralysait son élan.

— « Voulez-vous rester un peu dehors, il fait si doux ? » proposa le directeur. « Jacques vous mènera chez lui quand vous aurez fait ensemble quelques tours de jardin ? »