Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/56

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mie nouvelle, les traits d’autrefois. C’étaient bien les mêmes cheveux roux, plus foncés un peu et tirant sur le brun, mais toujours rudes et plantés bas ; c’était le même nez mince et mal formé, les mêmes lèvres gercées, qu’ombrait maintenant un impalpable duvet blond ; c’était la même mâchoire, massive, encore élargie ; et c’étaient les mêmes oreilles décollées qui semblaient tirer sur la bouche et la tenir allongée. Mais rien de tout cela ne ressemblait plus à l’enfant d’hier. « On dirait que le tempérament même a changé », songeait-il ; « lui, si mobile, toujours tourmenté : et maintenant ce visage plat, dormant… Lui, si nerveux, c’est maintenant un lymphatique… »

— « Lève-toi un peu » ?

Jacques se prêtait à l’examen avec un sourire complaisant qui n’éclairait pas le regard. Il y avait comme une buée sur ses prunelles.

Antoine lui palpait les bras, les jambes.

— « Ce que tu as grandi ! Tu ne te sens pas fatigué par cette croissance rapide ? »

L’autre secoua la tête. Antoine le tenait devant lui, par les poignets. Il remarquait la pâleur de la peau, sur laquelle les taches