Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/67

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s’était trompé de chemin. Des enfants lui indiquèrent un raccourci à travers champs. Il hâta le pas. « Si je manquais mon train », se dit-il par jeu, « qu’est-ce que je ferais ? » Il imagina son retour au pénitencier. Il passerait la journée auprès de Jacques ; il lui raconterait ses craintes chimériques, son voyage en cachette du père ; il se montrerait confiant, camarade ; il rappellerait au petit la scène du fiacre, au retour de Marseille, et comme il avait cru sentir ce soir-là qu’ils pourraient devenir de vrais amis. Le désir de manquer son train devint si impérieux qu’il ralentit sa marche, ne sachant que décider. Tout-à-coup il entendit le sifflet de la locomotive ; un panache de fumée s’élevait, à sa gauche, au-dessus d’un bouquet d’arbres ; et sans plus réfléchir, il prit sa course. Il apercevait la gare. Il avait son billet en poche, n’avait qu’à sauter dans un wagon, fut-ce à contre-voie. Les coudes au corps, la tête en arrière, la barbe au vent, il aspirait l’air à pleins poumons ; il était fier de ses muscles ; il était sûr d’arriver.

Mais il avait compté sans le talus de la voie. Pour atteindre la station, la route fai-