Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/76

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le bras, barrant les trottoirs, titubaient en chantant des refrains de caserne. Sur le Cours, parmi les filles en robes claires et les dragons échappés du quartier, des familles se croisaient en saluant.

Jacques, ivre, contemplait tous ces gens avec un trouble qui l’oppressait.

— « Allons ailleurs, Antoine… » suppliat-il.

Ils prirent, au milieu du Cours, une rue encaissée qui montait, sombre et silencieuse. L’arrivée sur la place du Palais fut un éblouissement. Jacques clignait des yeux. Ils s’arrêtèrent et s’assirent sous les quinconces qui ne donnaient pas encore d’ombre.

— « Écoute », dit Jacques en posant la main sur les genoux d’Antoine. Les cloches de Saint-Jacques s’ébranlaient pour les Vêpres ; leurs vibrations semblaient ne faire qu’un avec la lumière du soleil.

Antoine s’imagina que l’enfant subissait à son insu l’ivresse de ce premier dimanche de printemps. Il hasarda :

— « À quoi penses-tu, mon vieux ? »

Mais, au lieu de répondre, Jacques se leva ; ils se dirigèrent en silence vers le parc.