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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/79

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des cartes ? Antoine le crut. Il poursuivit gaîment :

— « Je ne sais fichtre pas où elle prend toutes les idées qu’elle a ! La maison n’est pas drôle pour une enfant ! Mademoiselle l’adore ; mais tu sais comment elle est : elle s’effraye de tout, lui défend tout, ne la quitte jamais une seconde… »

Il s’était mis à rire et regardait son frère avec une complicité joyeuse, tant il sentait que ces détails de vie familiale étaient leur trésor fraternel, n’avaient de sens que pour eux, ne cesseraient jamais de constituer pour eux quelque chose d’unique, d’irremplaçable : les souvenirs d’enfance. Mais Jacques n’eut qu’un bref sourire forcé.

Antoine continua cependant ;

— « Les repas ne sont pas drôles non plus, je t’assure. Père ne dit rien ; ou bien il refait pour Mademoiselle les discours de ses Congrès et raconte par le menu l’emploi de sa journée. À propos, tu sais, ça marche très bien, la candidature à l’Institut !

— « Ah ? » Un peu de tendresse adoucit ses traits. Il réfléchit un instant et sourit : « Tant mieux ! »

— « Tous les amis s’agitent », reprit