Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/78

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— « Excellente raison. Mais tu en as bien une autre ? »

Jacques le considéra stupidement ; il n’avait pas compris qu’Antoine plaisantait. Il ne se dérida pas, et se remit à marcher. Il ajouta, tout à coup :

— « Et Gise ? Est-ce qu’elle sait ? »

— « Où tu es ? Non, je ne crois pas. Mais avec les enfants on ne peut être sûr de rien… » Et s’accrochant à ce sujet que Jacques lui-même avait amorcé, il continua : « Certains jours, elle a déjà l’air d’une grande fille, elle écoute tout ce qui se dit avec ses beaux yeux bien ouverts. Et puis, d’autres jours, ce n’est qu’un bébé. Crois-tu qu’hier soir Mademoiselle la cherchait partout, elle jouait à la poupée sous la table du vestibule ? À onze ans bientôt ! »

Ils descendaient vers le berceau de glycines, et Jacques s’était arrêté au bas de l’escalier, près d’un sphinx en marbre rose moucheté, dont il caressait le front poli qui brillait au soleil. Songeait-il à Gise, à Mademoiselle ? Revoyait-il tout à coup la vieille table du vestibule, avec son tapis à franges et son plateau d’argent où traînaient