Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/81

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dût jamais y revenir. Il se tut. Jacques avait repris son air indifférent.

— « Et maintenant », dit Antoine pour faire diversion, « si nous allions goûter, veux-tu ? Tu dois avoir faim ? »

Il avait perdu tout espoir de rétablir entre Jacques et lui un contact fraternel.

Ils rentrèrent en ville. Les rues, pleines de monde, bourdonnaient comme des ruches. Les pâtisseries étaient prises d’assaut. Jacques, arrêté sur le trottoir, s’immobilisait devant les cinq étages de gâteaux vernis de sucre, bavant de crème ; cette vue semblait l’étouffer.

— « Eh bien, entre ! » fit Antoine en souriant.

Les deux mains de Jacques tremblaient en prenant l’assiette qu’Antoine lui tendit. Ils s’installèrent au fond de la boutique, devant une pyramide de gâteaux choisis. Des bouffées de vanille, de pâte chaude, venaient d’une porte de service entr’ouverte. Jacques, sans un mot, tassé sur sa chaise, les yeux congestionnés comme s’il allait pleurer, mangeait vite, s’arrêtait après chaque gâteau, attendait qu’Antoine le servit, et aussitôt se remettait à manger. Antoine fit