Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/82

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verser deux portos. Jacques prit le verre entre ses doigts qui tremblaient toujours ; il y trempa les lèvres, se brûla au vin alcoolisé, et toussa. Antoine buvait à petits coups, sans paraître faire attention à son frère. Jacques s’enhardit, reprit une gorgée, la laissa descendre en lui comme une boule de feu, puis une autre, puis tout le contenu du verre, jusqu’au fond. Et lorsqu’Antoine lui remplit une seconde fois son verre, il feignit de ne pas s’en être aperçu, et fît, trop tard, le geste de l’en empêcher.



Lorsqu’ils sortirent de la boutique, le soleil déclinait, la température avait baissé. Mais Jacques ne sentait pas la fraîcheur. Il avait les joues brûlantes, et, dans tout le corps, une sensation de bien-être, à laquelle il était si peu accoutumé qu’elle lui était presque douloureuse.

— « Nous avons encore nos trois kilomètres à faire », dit Antoine ; « il faut revenir. »