Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/84

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ténébreux secrets ; mais il éprouvait une délivrance à voir fondre enfin cette indifférence contre laquelle il se heurtait, depuis le matin.

Ils étaient seuls sur la rive déserte, seuls avec l’eau fuyante, sous un ciel brumeux où s’éteignait le couchant ; devant eux, un bachot que le courant berçait au bout de sa chaîne, froissait les roseaux secs.

Ils avaient du chemin à faire, ils ne pouvaient s’éterniser là. Antoine voulut forcer l’enfant à relever la tête :

— « À quoi penses-tu ? Qu’est-ce qui te fait pleurer ? »

Jacques se serra davantage contre lui. Antoine chercha à se souvenir des mots qui avaient déclenché cet accès de larmes.

— « C’est de penser à ta promenade habituelle, qui te fait pleurer ? »

— « Oui », avoua le petit, pour répondre quelque chose.

— « Pourquoi ? » insista l’autre. « Où donc te promènes-tu le dimanche ? »

Pas de réponse.

— « Tu n’aimes pas sortir avec Arthur ? »

— « Non. »

— « Pourquoi ne le dis-tu pas ? Si tu