Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/85

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regrettes ton vieux père Léon, c’est bien facile d’obtenir… »

— « Oh, non ! » interrompit Jacques, avec une violence imprévue. Il s’était redressé et montrait un visage de rancune si expressif et si nouveau, qu’Antoine en fut saisi.

Jacques, comme s’il fut incapable de rester immobile, s’était levé et entraînait son frère à grands pas. Il ne disait rien ; et Antoine, après quelques minutes d’attente, au risque d’être maladroit, désireux avant tout de débrider cette plaie, comme il pensait, reprit résolument :

— « Alors, tu n’aimais pas non plus sortir avec le père Léon ? »

Jacques continuait à marcher, les yeux grands ouverts, les dents serrées, sans prononcer une parole.

— « Il était pourtant gentil avec toi, le père Léon ? » hasarda Antoine.

Pas de réponse. Il eut peur que Jacques ne se repliât de nouveau ; il voulut reprendre son bras ; mais l’enfant se dégagea, et hâta le pas. Antoine le suivait, perplexe, ne sachant comment ressaisir sa confiance, lorsque, tout à coup, Jacques eut un brusque