Tandis que vous repaissez de vent et de fumée les gens assez bons pour vous croire, nous autres, nous avons la nature, avec ses deux grands auxiliaires : la science et le travail. La terre nous suffit, du ciel nous n’avons que faire, d’immortalité, nous n’en voulons point ; nous laissons les ambitieux se perdre dans les nues.[1]
En renonçant aux joies chimériques, nous foulons aux pieds du même coup toutes les vaines terreurs : il n’y a pour nous ni enfer, ni diable, ni feu temporaire et éternel ; tout cela nous fait sourire de pitié.
Délivrés de la tyrannie du désir et de la crainte, nous jouissons d’une sérénité parfaite. Ceux-là seuls parmi nous ressentent encore quelque trouble, qui n’ont pas su se délivrer complétement de leurs anciens préjugés.
Ce que je viens de dire du bonheur, s’applique au dévouement,
et à tous les nobles instincts de l’homme. De
quel front osez-vous vous en arroger le monopole ? Avez-vous
jamais rien compris à l’amour pur ? Ne l’avez-vous
pas, dans une circonstance mémorable, indignement
poursuivi de vos anathèmes.[2] Vous ne permettez à
l’homme d’autre mobile que le salut éternel, c’est-à-dire
l’intérêt particulier. Si vous le courbez devant un dieu
- ↑ C’est à leur adresse que Pline a écrit ce beau passage :
« Eadeum (humana) vanitas, in futurum etiam se propagat, et in mortis quoque tempore, ipsa sibi vitam mentitur. »
L’humaine vanité s’étend jusque dans l’avenir, et même pour le temps dévolu à la mort, elle se fait à elle-même de vaines promesses de vie.
- (Plin le nat. Hist. nat. Liv. VII, c. lvi.)
- ↑ Allusion à la condamnation de Fénélon.