Page:Martineau - Contes choisis sur l economie politique - tome 1.pdf/10

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de tous les remèdes et, sans perdre complètement l’ouïe, elle fut réduite à se servir d’un cornet, a trumpet, comme elle avait l’habitude de l’appeler. Elle accepta avec une résignation exemplaire sa triste infirmité. Son « autobiographie contient, sur la surdité, sur ses effets, sur les souffrances morales dont elle est la source comme aussi sur les profits que l’on peut en tirer, quelques pages qui méritent d’être citées. On y trouvera, avec un rare esprit d’observation et d’investigation, les marques d’une force d’âme toute virile, unie à une fierté délicate qui faisait redouter par dessus tout à la jeune infirme de devenir une gêne, une « nuisance » pour autrui. On y verra encore que la plus pénible et la plus maussade des afflictions physiques peut agir comme une cause de progrès moral et un stimulant dans la bataille de la vie :

« J’ai eu souvent l’occasion de remarquer, dit-elle, que jamais un enfant affligé de surdité ne reçoit à la maison ou dans une école ordinaire l’éducation qu’il conviendrait de lui donner. Il semble que les parents et les professeurs ne sachent pas qu’on apprend beaucoup plus par la conversation que par tout autre moyen, et, faute de cette observation, ils s’aperçoivent trop tard, à leur grande consternation, que l’enfant ne possède pas la connaissance de choses tellement nécessaires et ordinaires qu’elles paraissent être une affaire d’instinct plutôt que d’éducation. Trop souvent aussi, le sourd est sournois et rusé, personnel et égoïste. Ces défauts se rencontrent surtout chez les enfants qui sont sourds de naissance ou qui le sont devenus de bonne heure, et si j’en ai été exempte, c’est, je crois, parce que mon éducation était déjà très avancée lorsque j’ai commencé à perdre le sens de l’ouïe. Dans les cas