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fausse honte et les autres misères inénarrables qui l’accompagnent. »


Les goûts intellectuels de la future authoress s’étaient manifestés de bonne heure et, un jour, elle s’avisa de dire qu’elle voudrait bien écrire un livre. Sa sœur ainée ne manqua pas de se moquer d’une si haute ambition, et elle se promit bien alors de ne plus faire ses confidences à personne. Son père était abonné à un Monthly repository qui servait d’organe à la secte des unitairiens ; elle envoya, en gardant l’anonyme, un article à l’éditeur, le révérend docteur Aspland, — qu’elle qualifie de formidable dans ses mémoires. Avec quels battements de cœur, elle ouvrit le numéro suivant ! Non seulement l’article y était imprimé tout au long, mais encore un « avis » du formidable éditeur invitait l’auteur à continuer ses communications. Le soir, son frère aîné s’écria tout à coup en parcourant le journal : Tiens, voilà un article d’une nouvelle plume ! À peine en avait-il lu une colonne qu’il s’extasiait sur la beauté des pensées et du style, en reprochant à sa sœur de ne point partager son admiration. Avec la franchise qui a été le trait dominant de son caractère, elle lui dit : — Je n’ai jamais pu tromper personne. La vérité est que cet article est de moi. — Alors, lui dit son frère, laissez aux autres femmes le soin de coudre des chemises et de raccommoder des bas. Voilà votre vocation. — Cette soirée, ajoute-t-elle, fit de moi une Authoress. Elle continua pendant quelque temps sa collaboration au Monthly repository et quoiqu’elle n’eût lu