Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/146

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La lettre suivante, adressée à Vincens le 4 mars 1736, se réfère au même objet malgré quelques digressions. Elle sort un peu du ton des lettres officielles ; c’est pourquoi nous la publions de préférence ; la pensée, le tour d’esprit et, dans une certaine mesure, l’humour de Dupleix s’y révèlent au naturel :

« Sœur Jeanne (Madame Vincens) a senti les premiers effets d’une grossesse, ce qui l’a obligée d’être plus souvent couchée que debout. La sœur Manon (Madame Aumont) est, depuis quelques jours, fort incommodée d’un grand mal de tête avec la fièvre ; elle a voulu, il y a quatre jours, nous faire peur à tous, mais grâces à Dieu, nous en avons été quittes pour la peur : elle est à présent hors d’affaire. La sœur Ursule attend frère Jacob avec une diable d’impatience, elle sent des démangeaisons terribles qui ne peuvent cesser sans son secours. La sœur Rosette (Madame d’Arboulin) toujours belle, voudrait bien que frère Carloman fût ici ; elle dit que voilà bien du temps inutile qu’elle employait bien mieux l’année dernière et, dut-il en coûter deux ou trois attaques de rétention d’urine à Carloman, elle ne le ménagerait pas. Mère Rose (Madame Albert) se porte à merveille ; elle passe son temps à l’ordinaire, c’est-à-dire que de gronder ses mosses, ses nourrices et les ayas, sont tout son passe-temps. Frère Louis (probablement le Conseiller Louis Nicolas de Saint-Paul) est de plus en plus amoureux de la petite Joly qui l’est aussi de lui[1] ; la mère qui en faisait sy il y a quelque temps voudrait, à ce que l’on dit, faire conclure l’affaire, mais le père à qui la vue s’est redressée n’en veut point du tout entendre parler ; il s’est entêté de Ladhoue que la mère et la fille n’aiment point ; de tout cela je conclus

  1. Il s’agit vraisemblablement d’Anne Joly, fille de François Joly, chirurgien major ; elle épousa le 23 octobre de la même année Antoine Bruno, capitaine de navire. Nous ne savons qui était frère Cosme, ni frère Jacob, non plus que sœur Ursule. Celle-ci, d’après les sous-entendus de Dupleix, ne pouvait être Ursule Suzanne Albert, qui épousa de Saint-Paul le 21 novembre de cette même année.