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IV. — La lettre du 23 novembre 1738.

On ne saurait malheureusement dire qu’il fût aussi bien armé contre l’amour-propre et la vanité. On a déjà pu noter au passage la facilité avec laquelle il relevait les injures ou les manques d’égards ; les années n’avaient point affaibli cette susceptibilité quelque peu maladive ; en 1738, il passa par une véritable crise. Tout fut prétexte à ses critiques, et la réparation refusée à Vincens et les appréciations aigres-douces du Conseil de Pondichéry sur son rôle dans la frappe des monnaies de Mourchidabad.

Mais ce qui mit le comble à sa mauvaise humeur ce furent les distinctions que le roi accorda à Dumas et à la Bourdonnais. Le premier reçut les titres de noblesse et la croix de Saint-Michel et le second la croix de Saint-Louis. Lui-même avait sollicité la croix de Saint-Lazare et n’avait rien obtenu. La nouvelle des honneurs conférés à Dumas lui arriva le 6 mai 1738 par le Comte de Toulouse et s’il adressa par convenance ses félicitations au gouverneur de Pondichéry (6 juillet), il n’en éprouva pas moins un profond ressentiment. Mais il fut plus touché encore par le refus du cordon de Saint-Lazare ; il ne voulut pas admettre qu’en dehors de tout mérite les titres s’attachent quelquefois à la fonction comme une parure nécessaire ; il ne vit là qu’une question personnelle que son animosité contre la Bourdonnais rendit plus aiguë, et, loin de prendre sa déconvenue avec une grimace puis avec un sourire, il se fâcha, s’indigna et cria à l’injustice. L’Inde et la France elle-même eurent l’écho de ses plaintes, il parla et écrivit de tous côtés. La prudence lui commandait peut-être de ne pas s’en prendre trop ouvertement