Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/194

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d’une certaine sécurité. Si nous ne prenions ce parti, il n’y avait qu’à tout souffrir avec patience. Persuadés que nous ne faisons aucune attention à leurs tyrannies, les Maures continueront à nous molester de toutes les façons. Dupleix n’était guère satisfait d’exposer cette situation aux directeurs. « Le nom d’Européens, qu’ils respectaient autrefois, leur écrivait-il le 30 novembre 1732, n’est plus pour eux qu’un objet de risée ; ils nous regardent comme une source inépuisable où ils peuvent puiser lorsqu’ils le jugent à propos. Le nabab livré à tout ce qu’il y a de plus infâme laisse le soin des affaires à une bande de gueux qui ne songent qu’à remplir leurs bourses. »

L’affaire des bateaux de Patna se régla comme toutes les autres par quelques milliers de roupies distribuées à l’entourage du nabab, y compris, semble-t-il, la « nourrice de la seconde personne du Gouvernement. »

Sachant combien les peuples sont en général mal gouvernés, nous ne récriminerons pas contre ces procédés d’administration où sombre d’ordinaire l’indépendance nationale. Parce qu’il pressentait qu’on pourrait venir à bout des agissements des Maures par un acte d’autorité où cette indépendance pouvait être compromise puis succomber, nous n’en conclurons pas que Dupleix avait dès ce moment la vision politique qui a fait sa gloire ; il est cependant intéressant de constater que l’appareil formidable de la puissance du Mogol ou des nababs ne faisait pas complètement illusion à tous les Européens ; on n’envisage pas sans quelque raison intuitive qu’un empire de plusieurs millions d’habitants pourra être amené à composition par une démonstration maritime ou militaire aussi peu formidable que celle recommandée par Dupleix. Les événements qui suivirent ne devaient pas démentir cette sorte de divination.