Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/348

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chaient derrière l’autorité et le nom de la Compagnie qui paraissait ainsi faire les opérations pour son propre compte. Il fallait avoir la tête à l’envers comme Villeneuve pour ne pas vouloir entrer dans ce jeu si naturel et si facile. « Il n’y a jamais eu de difficultés, expliquait Dupleix à Dumas le 31 juillet 1737, lorsque les commissions — ou passeports — ont été données à des personnes sages et prudentes, se conformant aux règlements, il y en a toujours eu lorsqu’on a eu affaire à des vaniteux, prétendant ne dépendre de personne et que leur vaisseau leur appartenait. Aussi que de précautions ne faut-il pas prendre pour cacher son jeu ; c’est une étude toute particulière que l’on n’acquiert que par l’usage. »

Villeneuve ne témoigna naturellement aucune reconnaissance à Dupleix du service qu’il lui avait imposé ; il continua jusqu’au moment de son départ pour Bassora au début de janvier 1737 à l’attaquer et à le maudire. Il partit en menaçant tout le monde ; d’après lui tout Chandernagor devait s’attendre à être renvoyé en Europe les fers aux pieds. Mais telle était la confiance et l’estime qu’il inspirait que, malgré ses menaces, personne ne voulut accepter sa procuration ; il fallut que le procureur du roi voulut bien s’en charger ; encore spécifia-t-il qu’au fur et à mesure qu’il recevrait des fonds, il les consignerait au greffe, afin de n’avoir aucune discussion avec Villeneuve.

Le François quitta le pilote le 18 janvier, après avoir chargé 120 balles à Calcutta. Cet armement était surtout profitable aux étrangers, car à la même époque il y avait en magasin à Chandernagor pour plus de 60.000 roupies de marchandises propres pour Bassora, et les marchandises prises à Calcutta avaient coûté 10 à 15 % plus cher et étaient de moins bonne qualité.