Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autant de marchandises qu’il put à Calcutta et à Chinsura. Dupleix soupçonna que l’idée de cet armement revenait surtout au chef hollandais pour ruiner notre commerce, en nous suscitant avec les Maures quelque mauvaise affaire ; car, expliquait-il, les navires qui venaient à Chandernagor ne pouvaient faire du commerce que sous le nom de la Compagnie et par conséquent sous la direction de ses employés. Tout commerce particulier était interdit à ces derniers à moins de se soumettre aux droits payés par les particuliers, qui allaient jusqu’à 25 %. En proclamant si hautement qu’il était le propriétaire du navire acheté à Madras, Villeneuve s’exposait manifestement à se faire traiter par les Maures comme un simple particulier et par conséquent à payer les droits les plus forts.

Dupleix l’invita à surveiller son langage s’il ne voulait courir ces risques. Villeneuve s’obstina. Alors les Maures, bien convaincus que ce bateau n’appartenait pas à la Compagnie, et supposant que les autres pouvaient se trouver dans le même cas, firent arrêter en différents lieux ceux qui naviguaient au Bengale et en retinrent quelques-uns une trentaine de jours. Il fallut pour les libérer que Dupleix jura sur sa tête — un serment tout indien — que le bateau de Villeneuve appartenait à la Compagnie, que c’était par pure jactance que celui-ci soutenait le contraire. Les Maures ne furent pas bien convaincus, mais ils ne purent ou ne voulurent rien objecter. Si Dupleix eut hésité à prendre ce parti, l’armement eut été perdu et nous n’aurions pu par la suite faire aucun commerce particulier sans nous exposer à de perpétuelles chicanes. En somme, par son intervention, Dupleix couvrit une supercherie courante : afin d’éviter de payer les droits de 25 %, les particuliers se retran-