Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/123

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Les mémoires de Bussy et l’approbation que leur donnait Dupleix contenaient en germe tous les éléments d’une politique nouvelle ; en s’alliant à Balagirao contre Salabet j., on renonçait implicitement au principe de légitimité dont se réclamait Dupleix et l’on entrait dans une voie révolutionnaire. Il est fâcheux que les succès habituels de Bussy qui allait triompher sans beaucoup de peine de l’indolence du soubab et de la résistance de ses ministres ne nous aient pas permis de rompre avec Salabet j., mais nous aient au contraire attaché plus étroitement à sa cause. Autant qu’on en peut juger par l’histoire ultérieure du pays, l’entente avec les Marates était la plus conforme à nos intérêts. Sans doute y avait-il quelque danger à s’allier à un prince puissant qui pourrait ensuite vouloir nous dominer, mais n’y avait-il pas également péril à unir sa cause à celle d’une puissance faible, proie fatale de l’ambition de ses voisins ? Dans le présent, l’alliance marate nous permettait de triompher de Mahamet Ali ; pour l’avenir, elle était un gage assuré contre les ambitions des Anglais. La face de l’Inde eut été changée si Dupleix avait suivi jusqu’au bout les inspirations de Bussy, mais tout en reconnaissant les avantages d’un accord avec Balagirao, il ne sut ou ne voulut pas prendre un parti bien net. Retenu par un point d’honneur fort légitime comme aussi peut-être par une certaine crainte de l’inconnu, il n’osa pas sacrifier Salabet j. à l’heure la plus propice, alors que ce prince et son entourage conspiraient manifestement contre nous et Bussy, resté sans ordres précis, ne voulut pas risquer une initiative, qui est parfois une illumination du génie. Au moment même où il pouvait tout entreprendre, Dupleix recevait de France des cadeaux magnifiques pour le soubab et il se proposait de les faire passer à Haïderabad ;