Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/204

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Tollendal rappela Bussy à la côte en juin 1758. À ce moment tout s écroula brusquement. Ce n’est pas que l’œuvre fut précaire et mal assurée ; Bussy avait pris les plus heureuses dispositions pour la faire durer indéfiniment et, si nous n’avions eu la guerre avec les Anglais, il est probable, que nos forces européennes, même réduites à 500 hommes, eussent été suffisantes pour maintenir notre autorité. Clive et Warren Hastings l’ont prouvé au Bengale et dans l’Indoustan. Bussy avait groupé autour de lui assez d’intérêts indigènes pour dominer le sentiment national, qui nous était hostile, et le temps aidant, transmettre à son successeur un héritage indiscuté. Mais il y eut la guerre, cette fois directe avec l’Angleterre et le gouvernement de Madras. N’ayant pas de forces suffisantes pour défendre tout à la fois le Carnatic et le Décan, nous dûmes commencer par sacrifier la province la plus éloignée en attendant que le manque d’argent et les erreurs de Lally nous fissent perdre le reste. Ce n’est pas la faute de Bussy si son œuvre ne put résister à l’épreuve ; on doit en chercher la cause dans l’origine même de la campagne, où Dupleix grisé par ses premières victoires et s’imaginant que le gouvernement anglais désavouerait Saunders, crut trop aisément qu’en divisant nos forces il pouvait multiplier nos succès et les consolider pour une durée indéfinie.

Si éphémère qu’elle ait été, l’œuvre de Bussy, par son étonnante réalisation, n’en constitue pas moins l’un des faits les plus considérables de notre histoire. Nous dûmes sans doute la part la plus considérable de nos succès au mouvement de surprise qui accueillit presque partout les Européens dans leur premier contact avec les indigènes et dont les exploits plus récents de Francis Garnier et d’Henri Rivière ferment à tout jamais