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ment au lieu d’argent, il envoyait des bijoux, des dentelles ou des curiosités du pays.

Bussy n’ignorait pas plus que Dupleix les sentiments qui agitaient la cour du soubab ; lui aussi savait que notre autorité n’était pas acceptée sans une certaine impatience même par ceux qui en bénéficiaient. Dès les premiers jours de son arrivée à Aurengabad il avait pris toutes ses mesures pour ne pas être la victime d’une surprise ou d’une trahison. Il avait choisi pour sa résidence et pour celle des soldats européens une forteresse à l’extrémité de la ville, d’où il la dominait complètement. Il avait d’autre part imposé la discipline la plus stricte ; les hommes ne pouvaient jamais sortir qu’à de certaines heures et en petit nombre ; encore leur fallait-il une permission. On évitait ainsi les contacts trop fréquents avec la population indigène, les invitations à la débauche et les rixes qui en résultent ordinairement. Les moindres fautes étaient punies avec sévérité. Les Indiens prirent ainsi l’habitude de nous considérer non plus comme des dominateurs dont la présence incessante eut été comme une offense à leurs sentiments religieux ou nationaux, mais comme des amis discrets qui leur donnaient à eux-mêmes l’exemple du bon ordre et du respect aux lois. Notre autorité en fut singulièrement accrue, surtout dans le menu peuple résigné d’avance à tous les despotismes et l’on vit même des notables mettre leurs richesses et leurs biens sous la protection de nos soldats.

Quant à Bussy, les recommandations déjà anciennes de Dupleix avaient porté leurs fruits. Sous la pression des événements non moins qu’au contact d’hommes si différents de lui par la race, la religion et leur conception générale de l’existence, il avait peu à peu accommodé