Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/261

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voir par ma précédente lettre à M. Saunders, du 18 février 1753, que je n’ai rien négligé pour arriver à une fin aussi honorable que nécessaire ; nous n’avions alors aucune honte à laver. Mais depuis la malheureuse catastrophe de Trichinopoly, pouvais-je sans rougir et sans courir le risque d’être blâmé du roi et de vous, Monseigneur, un des plus dignes de ses ministres, me soumettre au joug honteux que l’on voulait me présenter ? Certainement je ne pouvais espérer que les plus dures conditions et les suites les plus fâcheuses pour nos affaires du Nord. Sans rejeter mes offres, on ne m’en a fait aucunes. J’ai insisté pour que nos prisonniers nous fussent rendus, comme tous ceux des Anglais l’avaient été ; la loi devait être égale et je me soumettais pour eux à toutes les conditions qui pouvaient les mettre hors d’état de servir contre nos ennemis ; ce préliminaire des plus simples me fut refusé… Ce fait ne peut être contredit et ne le sera jamais, mais il découvrit le joug que les Anglais voulaient nous imposer, leur refus le mettait en évidence et je ne jugeai pas qu’il était convenable de s’y soumettre ; les risques étaient trop grands pour nous et nous perdions dans un moment le fruit de tant de travaux… Je prouve par ma lettre à M. Saunders que je n’ai rien négligé pour faire cesser les troubles ; je prouve en même temps que les Anglais ont fait tout ce qu’il fallait pour les continuer et les augmenter ; je n’ai donc pu les faire cesser à moins de subir le joug et je ne puis me persuader qu’en me prescrivant de faire cette paix, l’intention de Sa Majesté et la vôtre fut de le recevoir. Il n’y avait point d’autre parti à choisir, surtout depuis la malheureuse affaire de Trichinopoly ; ce n’était donc pas le temps de faire cette paix, puisqu’elle n’aurait pu conduire qu’à la servitude et que les suites en eussent été des plus funestes. Ainsi, avec les meilleures intentions, j’ai été forcé de me raidir contre les événements les plus fâcheux, pour ne point avilir dans un moment une nation qui avait acquis tant de gloire dans cette partie de l’Asie. Je ne sais, Monseigneur, si cette façon de penser pourra trouver chez vous l’indulgence qu’elle peut mériter ; je serais au désespoir qu’elle put vous déplaire, ce n’est du tout point mon intention. »