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Muzaffer j. et Dupleix s’étaient dit adieu le 12 janvier 1751. Les seigneurs patanes étaient partis le lendemain, Bussy le 17 et Muzaffer kh.[1] avec la cavalerie cipaye le 20.

Était-il sage de diviser nos forces et se lancer dans l’inconnu avant d’en avoir terminé avec Mahamet Ali ? Les deux opinions pouvaient se soutenir et il serait intéressant de savoir comment Dupleix les mit en balance : l’histoire est malheureusement muette sur ce point. La prudence commandait évidemment de tout régler avec Mahamet Ali avant d’entreprendre au loin une nouvelle campagne ; mais ce prince paraissait alors si faible, si abandonné de tous, si résigné lui-même à une soumission prochaine que, pour un danger incertain et sans doute de courte durée, Dupleix ne crut pas devoir sacrifier les avantages que lui laissait entrevoir la protection donnée à Muzaffer j. Le soubab du Décan était le souverain légitime de toute l’Inde du sud : en consolidant son pouvoir, n’affaiblissait-on pas du même coup celui de Mahamet Ali ? Dut ce prince être soutenu par les Anglais, que compterait sa résistance contre la triple entente militaire ou morale du soubab, des Français et du Mogol ? C’était l’échec assuré. L’avenir seul devait révéler ce que cette conception avait d’erroné. Mahamet Ali nous résista mieux qu’on ne le supposait et, pendant ce temps, nos troupes s’engageaient toujours plus loin dans le Décan, sans qu’il fût possible de les rappeler.

Ce dédoublement d’une armée déjà si réduite en nombre pouvait nous être fatal, comme il le fut en effet, et Dupleix avait comme un pressentiment qu’il jouait une partie délicate lorsque, deux ou trois jours après le

  1. Muzaffer kh. n’était autre que l’ancien chef des cipayes Abd er Rhaman, qui s’était distingué au siège de Pondichéry.