furent ainsi reproduits à vil prix et donnés avec du café, du sucre ou du poivre à des acheteurs enthousiasmés qui surchargeaient leurs réserves pour obtenir en plus un Téniers ou un Ruysdaël.
Ainsi M. Grillé avait condamné sa famille et lui-même à ne consommer comme potage que du tapioca pendant des mois et s’était offert un portrait de Mozart et un portrait de Beethoven : « Je ne les donnerais pas pour dix mille francs ! » s’écriait M. Grillé dont l’enthousiasme m’apparut pour la première fois durant cette scène où il brandissait les deux pauvres effigies pour les contempler avec amour : « Regardez Mozart, le Virgile de la musique…, reprenait-il — Et lui ? — il montrait Beethoven — lui c’est le Shakespeare ! »
Et le regard de M. Grillé très doux quand il prononçait Virgile devenait effrayant quand il disait Shakespeare.
Mais M. Grillé était véritablement un artiste ; et je vis qu’il n’en avait pas que les qualités lorsqu’à propos d’un concert qui s’organisait à Turturelle, nous lui parlâmes de ses confrères : « Gardelot, fit-il, n’est pas un musicien, il vendait encore du foin il y a dix ans. »
— « Mais… Pinon ? » disait Bergeat.
M. Grillé avait un sourire plein de mépris : « Lui ! Mais il est dépourvu de talent, ses petites compositions sont faites de réminiscences. Il joue