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Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/27

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LE MUSICIEN DE PROVINCE

nie qui me poussait vers lui et comprimait l’envie de rire que ses saugrenuités occasionnaient si souvent. Qu’eût-il pensé si on lui avait dit que dix ans plus tard, mes admirations me conduiraient à celle de Wagner et que, vingt ans après, les combinaisons dramatiques de cet Allemand seraient à leur tour dédaignées pour des œuvres de musiciens français qui ont su merveilleusement utiliser ses recettes.

Qu’aurait-il dit, M. Grillé, si j’avais pu un jour lui avouer que la musique même n’était plus pour moi l’art par excellence et que Gauguin ou Van Gogh pourraient, un instant, captiver mon attention.

Je ne sais. Seulement, à l’époque dont je parle je ne connaissais que lui et les livres.

Les livres m’apprenaient qu’il y avait de par le monde des êtres d’exception, des individus en dehors du commun, et quand je cherchais un exemple autour de moi, je ne rencontrais que M. Grillé. Involontairement je songeais aussi à l’abbé Renard, curé des Guitières, une toute petite paroisse voisine de la Roche-Coudre, qui était assez bon musicien et nous visitait souvent. La maison était pleine de ses méthodes de solfège, de ses polkas et d’œuvres plus importantes dont un oratorio et trois messes.

L’abbé Renard se donnait vaniteusement pour un compositeur, mais je soupçonnais en lui un ignorant. Il n’avait pour me séduire que son