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LE MUSICIEN DE PROVINCE

tie de l’orchestre des grands jours aux Guitières et violona sous la direction du chanoine enrubanné.

Une fois, ce fut, sur les instances de quelques élèves dont j’étais, M. Grillé qui conduisit. Les répétitions mirent en lumière ses qualités de chef d’orchestre et l’exécution fut parfaite, quoiqu’un incident ait failli en compromettre le succès. Bergeat devait jouer un solo avec sourdine. Au dernier moment, il s’aperçut qu’il avait oublié sa sourdine. Gros ennui, l’effet sans sourdine serait manqué.

M. Grillé, toujours ingénieux autant que savant, dit alors que le principe de physique permet d’autres moyens que la sourdine ; on peut la remplacer par une pièce de cinquante centimes placée tout contre le chevalet. « Seulement, ajouta-t-il, prenez garde, monsieur Bergeat, que la pièce ne glisse pas et ne tombe pas dans votre violon, en passant par les ouïes ! »

Bergeat joua un bon tiers de son morceau avec sa pièce de dix sous sur son violon et un effet de sourdine très réussi. Puis, brusquement, la pièce s’éloigna du chevalet ; Bergeat l’empêcha de glisser dans l’ouïe, mais au mouvement qu’il fit, elle sauta, roula à terre et on entendit résonner sur les dalles le son métallique qui se confondit avec celui du violon devenu subitement éclatant comme une trompette.