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LE MUSICIEN DE PROVINCE

mille francs qu’on lui avait remis en fin de compte, il prit le chemin de Paris où il voulait s’arrêter cinq ou six jours.

À Paris, son temps se passa en achats de partitions et de cahiers de musique des bons auteurs. Installé dès neuf heures du matin dans une boutique de la rue des Saints-Pères, M. Grillé empilait les feuillets sur un coin réservé du comptoir et en sortait, vers midi, les mains noires, la redingote couverte de toiles d’araignées, emportant à son hôtel des trésors artistiques qui disparaissaient aussitôt dans ses malles.

Quand il réglait son marchand de musique, M. Grillé disait : « Combien me demandez-vous de ceci ? »

— « Dix francs », répondait le marchand.

— « Comment, s’écriait M. Grillé, dix francs !… Mais, mon ami, je ne veux pas vous voler, il y a là-dedans des choses magnifiques… Je vais vous en donner vingt francs !… »

Et il faisait comme il disait, puis gagnait tout joyeux la porte tandis que le boutiquier esquissait un sourire.

Quand il eut épuisé les réserves dernières de la boutique, M. Grillé décida de rentrer à Turturelle, mais non sans avoir passé une soirée à l’Opéra.

On donnait Charles VI, une grande machine