Aller au contenu

Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
LE MUSICIEN DE PROVINCE

faite de flons-flons et de gracieuses vulgarités qui dissimulent un melo de Casimir Delavigne digne de l’Ambigu[1], où se déploient les trahisons de la reine Isabeau.

M. Grillé qui croyait à la valeur artistique de cette œuvre ne s’ennuya point.

Le lendemain il arrivait à Turturelle, la tête aussi bourrée de projets que ses malles contenaient de kilos de papier. Il reprit ses leçons et me raconta son voyage : « J’ai perdu ma maman, j’ai eu beaucoup de chagrin ; j’ai vu jouer Charles VI ; je rapporte des chefs-d’œuvre. »

M. Grillé évidemment supprimait les liaisons : « Quel manque de sincérité ! » diront des critiques sévères ; « ce chagrin qui se confond avec le plaisir causé par un mélodrame, ce cercueil et cet opéra ! Voilà bien le romantisme ! »

Et j’avoue pourtant avoir beaucoup goûté les récits décousus de M. Grillé, parce qu’ils étaient tout à fait dépourvus d’hypocrisie.

Se sentant plus à l’aise avec quelque argent et des leçons assurées, le professeur voulut se rapprocher du centre de la ville et habiter une demeure plus spacieuse.

La famille Grillé quitta la lointaine petite rue Fénelon, déménagea, vint rue des Tuileries, dans

  1. La musique est d’Halévy.