Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/370

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nos gens avec intrépidité, mais la mousqueterie fit un tel effet que malgré leur nombre ils prirent la fuite, quelques uns se réfugièrent dans le premier fort dont la porte fut bientôt enfoncée. Ils furent massacrés par le soldat. Nous perdîmes dans cette affaire M. Desjoux, habitant de Chandernagor que j’avois fait recevoir officier à Eleabad. II reçut une flèche dans la poitrine dont la pointe s’arrêta entre deux côtes ; aussitôt qu’on l’eût retirée, il tomba roide mort. Nous eûmes aussi un canonier, deux soldats et cinq sipayes blessés.

Nous apprimes bientôt au camp ce qui étoit arrivé et, dans la crainte que l’affaire ne fut plus sérieuse, nous nous préparions à marcher, lorsque noux vîmes l’artillerie arriver en bon ordre. On me donna le détail de ce qui s’étoit passé, qui me fit d’autant plus de peine que nous nous étions attiré cette affaire par la faute des sipayes. Elle me fit comprendre en même tems que nous devions être continuellement sur nos gardes, d’autant plus que nous ne pouvions pas souvent répondre de la conduite de nos propres gens.

En effet, on peut dire que le sipaye est un animal singulier, surtout lorsqu’il n’a pas eu le tems d’être discipliné, (les deux qui avoient donné lieu à l’événement étoient nouveaux). À peine a t’il reçu sa jaquette rouge et son fusil qu’il se croit un tout autre homme, il se regarde comme Européen, et, par la haute idée qu’il a de cette qualité, il pense être en droit de mépriser tous les gens du pays