Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/534

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lesquels il y en avoit plusieurs bons pilotes, qui connoissoient mieux cette côte de Bretagne que le patron anglois ; nos matelots, dis-je, désespérés de voir leur pays natal sans pouvoir y arriver, et craignant que rebuté de tant de courses inutiles, on ne les remît en prison, soit à Jersey, soit à Guernesey, jusqu’au printemps prochain, s’emparent de la barre du gouvernail et de toute la manœuvre. Le patron avec huit ou dix matelots anglois veulent faire les mauvais, on menace de les jetter par dessus bord. Arrive tombant à mes pieds le patron anglois qui d’un ton piteux me dit : Monsieur, vous êtes officier françois, je suis perdu si vous ne me soutenez contre cette révolte des matelots de votre nation. Ceux-ci m’avoient déjà fait la leçon et m’avoient fait comprendre que ne pouvant pas gagner St Malo, ils étoient néanmoins surs d’entrer dans un certain port nommé Breha dont assurément je n’avois jamais entendu parler et que le patron anglois ne connoissoit pas. J’avois beau regarder le côté qu’ils me montroient, je ne voyois partout que rochers affreux ; quoiqu’il en soit, persuadé qu’ils en savoient plus que moi, je dis au patron : Mon ami, laissons faire ces bonnes gens, ils n’ont certainement pas envie de périr, ils nous conduiront à bon port ; croyez moi, ne soyez pas inquiet et pour nous fortifier contre les dangers, allons avec M. Fobin achever ce qui nous reste d’un jambon. J’entrainai avec moi le patron, plus mort que vif, il en fut quitte cependant pour la peur. Nos pilotes françois