Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/95

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C’est ce qui est arrivé pendant le règne de Mahametcha. Ce prince, infatué des richesses immenses qu’il possédoit, et dont il ne croyoit jamais voir la fin, enivré des flatteries de ses courtisans, laissoit le soin de toutes les affaires à ses ministres. Nizam oul Moulouk, soubahdar du Dékan, piqué d’un affront qu’il prétendoit avoir reçu, appela les Persans à la tête desquels Nadercha, s’empara de Delhy et enleva tout le trésor. Mahametcha fut rétabli, comme l’on sait, mais l’empereur n’existoit plus que de nom. Dès le moment que le trésor manque dans un état despotique, dès que pour subvenir aux besoins les plus pressants d’une armée, on est obligé d’avoir recours aux gouverneurs des provinces qui sont intéressés à ne rien donner, le pouvoir du prince ou de son ministre tombe, et l’anarchie doit nécessairement commencer. En effet, depuis cette funeste époque, on ne voit dans l’histoire de l’empire mogol que révoltes, assassinats, empoisonnemens ; tout moyen est bon pour parvenir au commandement.

D’ailleurs il faut convenir que dans le gouvernement militaire de l’Inde, la seule disposition des esprits invite à la révolte ; la crainte et l’intérêt personnels sont les seuls mobiles ; on n’y connoit point ce motif si puissant chez les Européens, l’amour du prince et de la patrie. On n’a jamais su dans l’Inde ce que c’est que ces corps de troupes dont les chefs n’ont aucun intérêt