Page:Martinov - De la langue russe dans le culte catholique, 1874.djvu/34

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du nationalisme empêche de résoudre bien d’autres questions plus vitales que celles d’ethnographie, on doit plus que jamais nier la droit d’annexion ou de conquête, quand il est réclamé au nom du principe des nationalités. Un pareil droit, qui entraîne ordinairement des mouvements populaires, ne ferait que compromettre la paix de l’Europe pour longtemps, si ce n’est pour toujours, en soulevant des questions que ni la science ni le fer ne peuvent résoudre. Comment déterminer, par exemple, en Autriche, la nationalité de telle ou telle population, en saisir la nuance jusque dans le moindre fragment isolé et dire à quel corps politique il doit appartenir. L’ambition et l’ignorance seules ont intérêt à exploiter ces prétendues aspirations nationales des masses, afin de détourner l’attention du pays, des questions dont dépend son existence politique.

Mais n’insistons pas, car il est presque impossible de traiter ce sujet en peu de mots, tant sont vastes les dimensions artificielles que lui a données l’imagination de certains doctrinaires ; rappelons-nous seulement cette maxime incontestable, savoir : qu’au point de vue du développement intellectuel et moral d’une nation, de son progrès historique comme race, il importe souverainement qu’elle puisse vivre et se développer au milieu des circonstances politiques les plus variées, qu’elles soient favorables ou non. Il y a un très grand avantage pour elle à vivre dans des états divers, ainsi que cela a lieu, par exemple pour la nationalité française en France et en Suisse, pour les Allemands en Allemagne et en Suisse. Tout en conservant intacts ses traits principaux, la nationalité revêt alors des formes plus variées dans les manifestations importantes de sa vie, et cette variété exerce une influence bienfaisante sur son développement social.

Par contre, les unités absolues de race seraient le plus grand mal qui pût frapper les intérêts de la civilisation européenne. Dans le commerce habituel et la vie pratique une certaine homogénéité des peuples dont se compose un État offre, sans doute, des avantages ; mais l’unification absolue, si toutefois elle est possible, serait désastreuse. Les États eux-mêmes sont intéressés à la répudier : les nationalités diverses sont un lien naturel qui les unit pour former un seul système européen ; elles facilitent les relations internationales et garantissent la paix générale. Sans elles les contrastes politiques deviendraient incomparablement plus sensibles, les chocs plus rudes, les luttes plus fréquentes, sinon perpétuelles. Une tentative d’unification condamnerait l’Europe à des guerres sanglantes.

Autant il est vrai que l’affinité de race et les sympathies on les antipathies qu’elle fait naître forment un des éléments de la vie sociale et politique des peuples, autant il est certain que les aspirations nationales des derniers temps doivent leur existence à bien des influences dont le caractère n’est rien moins qu’ethnographique...

L’histoire des nations, si variée dans ses formes, réunit les hommes