Page:Martinov - De la langue russe dans le culte catholique, 1874.djvu/35

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en dehors de toute loi fixe, les groupe sans avoir égard au sang ni à la race et crée ainsi les unités politiques auxquelles nous donnons le nom de peuples et qui ne coïncident guère avec les nationalités. C’est ainsi qu’elle a uni l’Alsace et la Lorraine à la nation française si intimement qu’elles en ont adopté l’esprit : esprit qui nulle part, peut-être, ne s’est montré, lors des derniers événements, aussi vivace que chez elles. Et qu’on n’aille pas invoquer ici le droit historique ; qu’on ne dise pas que ces provinces doivent appartenir à l’Allemagne à titre d’ancien patrimoine, jadis violemment arraché par la France. Si on voulait appliquer un semblable principe aux États européens, il n’y aurait pas un seul d’entre eux qui ne dût craindre pour ses domaines. D’ailleurs ce principe est très incertain, les frontières politiques ayant subi des changements sans nombre ; il justifierait toutes les violences et bouleverserait la carte de l’Europe. En outre, si l’on invoque l’état de choses qui a existé il y a cent cinquante ans, pourquoi ne pas remonter quelques siècles plus haut, à I’époque où l’Alsace-Lorraine n’appartenait ni à la France ni à l’Allemagne, mais formait un territoire mitoyen et indépendant ?

En poursuivant ses considérations, le publiciste russe estime que la haine inspirée à la France par son démembrement doit, tôt ou tard, aboutir à une guerre ; que c’est pour elle un devoir sacré de délivrer les plus dévoués de ses fils gémissant sous le joug étranger. « De même, continue-t-il, ce serait peine perdue de vouloir prouver aux Alsaciens qu’ils ne sont nullement français, mais de vrais Allemands. Pour y réussir, il faudrait d’abord les germaniser, c’est-à-dire les dénationaliser, ce qui ne pourra se faire qu’après quelques générations. Admettons cependant que cela s’accomplisse un jour, reste à savoir si la France ne prendra pas sa revanche d’ici là. Quoi qu’il arrive, c’est toujours, pour la Prusse, une perte de forces morales et matérielles qu’elle aurait pu employer à autre chose. Mais voilà ce qui arrive d’ordinaire dans des cas semblables : on se voit en face d’une nécessité historique inexorable et on s’incline devant elle, comme le fait, par exemple, la Russie par rapport à la Pologne. » (P. 151.)

Le lecteur me pardonnera d’avoir peut-être abusé de sa patience. Le ton sympathique des pages qu’il vient de lire, leur actualité et surtout la justesse de la plupart des appréciations qu’elles contiennent, le porteront, je l’espère, à en excuser la longueur. Je ne crois pas, d’ailleurs, être sorti de mon sujet, et