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De la Langue de Corneille

Les poètes qui passent à la postérité n’y arrivent pas tout entiers ; pour elle les essais, les intentions heureuses, ne sont rien : elle n’admet et ne consacre que des résultats.

À ses yeux, Corneille est le père de notre tragédie, celui qui le premier a substitué aux imitations froides et sans vie du théâtre de Sénèque, des chefs-d’œuvre d’action et de style, où les passions humaines se produisent avec leur véritable caractère, leur véritable langage, où le cœur parle et anime tout.

La critique voit dans Corneille plus encore ; né avec le xviie siècle, il semble chargé seul de l’immense tâche de constituer toute la littérature de ce temps. Il écrit d’aimables comédies avant Molière ; dans ses Examens, réellement dignes de ce nom, il censure avec bonne foi et ingénuité ses propres ouvrages, ramène toujours aux principes supérieurs de la littérature et de l’art les questions de détails, et devient le législateur de nos écrivains dramatiques, après en avoir été le modèle. On trouve dans ses œuvres des poésies galantes, médiocres, c’est une nécessité du genre, mais moins mauvaises que celles de ses contemporains ; d’excellentes épîtres, telles que l’Excuse à Ariste, qui continuent Régnier en faisant pressentir Boileau ; des panégyriques du Roi,