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DE LA LANGUE DE CORNEILLE


Que les femmes n’entendent pas
Et dont pourtant les mots sont doux à leurs oreilles.


Souvent, comme nous l’apprend le commandeur introduit par Callières dans son livre Des mots à la Mode, ces termes de guerre, employés figurément, faisaient le fond des déclarations des jeunes militaires d’alors : « Il y en a plusieurs qui, voulant exprimer leur attachement pour une dame ou quelques autres desseins particuliers, ne parlent que d’attaquer la place dans les formes, de faire les approches, de ruiner les défenses, de prendre par capitulation, ou d’emporter d’assaut. »

On pourrait même croire que ces termes formaient, dans certains cas, pour les amants, une sorte de langage secret fort complet et fort suivi ; car, dans la scène du Menteur citée plus haut, Dorante répond à Cliton, qui lui fait observer que son stratagème sera découvert, et qu’on s’apercevra bientôt que lui, écolier, a voulu s’introduire à titre de vaillant :

J’auray déjà gagné chez elle quelque accès,
Et loin d’en redouter un malheureux succès,
Si jamais un fascheux nous nuit par sa présence
Nous pourrons sous ces mots estre d’intelligence.

Si Corneille, dans sa réponse aux Observations de Scudéry, affirme avec une bonhomie maligne qu’il n’est pas homme d’éclaircissement, il n’en connaît pas moins bien le vocabulaire de l’escrime et les locutions introduites dans la langue par les duellistes ; c’est à ces origines qu’il faut rapporter les phrases suivantes : sortir de garde, vider une affaire sur le pré, tomber d’accord sans se mettre en pourpoint, et une foule d’autres du même genre.

Le moindre artisan aurait pu, à aussi juste titre que Turenne, s’étonner de l’exactitude technique de Corneille ; l’’énumération suivante, par exemple, n’est-elle