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Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/258

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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Tous les cerveaux sont-ils troublés ?
Dit Mercure. Du moins les enfants et les pères…
Autre erreur et nouveaux débats ;
Il les trouve appointés contraires.
Ou les pères sont durs, ou les enfants ingrats[1].

L’abbé Desfontaines s’écrie à ce sujet : « Voilà du beau français propre à la poésie ![2] » La Motte aurait pu répondre que, contre sa coutume, il imitait ici l’éternel modèle de tous les fabulistes ; La Fontaine a dit :

Commençons par les éléments :
Vous serez étonnés de voir qu’à tous moments
Ils seront appointés contraires[3].

Les expressions proverbiales empruntées au langage judiciaire abondent dans les œuvres de La Fontaine :

Ce point tout seul devrait me donner gain de cause[4].

Le loup l’emporte, et puis le mange.
Sans autre forme de procès[5].


Cette sœur fut beaucoup plus mal lotie[6].

Molière a employé cette dernière locution. Lorsqu’il est question de faire épouser Tartufe à Marianne, Dorine s’écrie :

.......... La voilà bien lotie[7].

Si ce terme, qui fait partie de notre langue populaire, avait besoin de commentaire, on n’en pourrait trouver un meilleur que la fable intitulée : le Testament expliqué par Ésope. Elle roule uniquement sur la façon dont on partage une succession, et dont on forme les lots qui doivent revenir à chaque héritière.

  1. Liv. IV, fab. xvi, 62.
  2. Dictionn. néolog.
  3. Liv. XII, fab. viii, 4.
  4. Songe de Vaux, II, tome II, p. 389.
  5. Liv. I, fab. x, 28.
  6. Liv. II, c. xvi, 159.
  7. Acte II, sc. ii, 123.