Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
256
ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Fontaine qui a fait de bestion un diminutif ; il avait ce sens au xvie siècle, et l’on n’appelait tapisseries de bestions que celles où figuraient ces animaux de médiocre grosseur qui caractérisaient la plupart des ornements de la Renaissance.

Philibert de l’Orme s’exprime ainsi dans son Architecture : « Les ouvriers ne font pas seulement une clef suspenduë au droict de la croisée d’ogiues, mais aussi plusieurs, quand ils veulent rendre plus riches leurs voûtes, comme aux clefs où s’assemblent les tiercerons et liernes, et lieux où ils ont mis quelquesfois des rampants qui vont d’une branche à autre, et tombent sur les clefs suspendues, les unes estans circulaires, les autres en façon de soufflet auec des guimberges, mouchettes, claires-voyes, feuillages, crestés de choux, et plusieurs bestions et animaux[1]. »

Il revient plus loin sur ce genre d’ornements, en termes fort propres à expliquer ce qu’il entend par bestion : « Vous noterez qu’il ne faut pas seulement apprendre à portraire les fueilles et fueillages pour les frizes, mais aussi il les faut accompagner quelquesfois de fruicts, de petits animaux, oyseaux et choses semblables[2]. »

Enfin, dans le passage suivant des Serées de Bouchet, le mot qui nous occupe est employé précisément comme il l’a été depuis par La Fontaine : « Torquemad, Espagnol, a escrit, comme l’ayant veu, les femmes de Naples estre en si grand danger en leurs accouchements, que si un petit animal qui sort avant que l’enfant vienne au monde touche la terre incontinent qu’il en sera sorty, la femme meurt à l’instant. Et pource, dit Torquemad, quand une femme veut accoucher en ce

  1. Liv. IV, ch. X, fol. 110 verso ; édit. de Rouen, David Ferrand, 1648, in-fol.
  2. Liv. VII, ch. X, fol. 215, recto.