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PRÉCIEUX ET PRÉCIEUSES

tous ceux qui s’occupent d’histoire littéraire, sur la véritable portée du Dictionnaire des prétieuses. Isolé, il a induit en erreur beaucoup de bons critiques ; on a presque toujours considéré Somaize comme une sorte de secrétaire officiel des ruelles et des bureaux d’esprit. Ce qu’il dit dans ce Dictionnaire, au mot Orthographe, des changements introduits par les précieuses dans la façon d’écrire les mots, a été cité bien souvent comme une page complètement authentique de l’histoire de notre langue ; on n’a pas même vu que l’auteur est loin de suivre le système qu’on l’accuse de préconiser. Son récit de la docte conférence de Roxalie, de Silénie, de Didamie et de Claristhène, c’est-à-dire de Mme  « Le Roy, de Mlle  de Saint-Maurice, de Mlle  de la Durandière et de Leclerc, toujours pris au sérieux, a été trouvé fort ridicule, et personne ne s’est rencontré pour défendre le pauvre Somaize et faire ressortir la pointe un peu émoussée de ses moqueries, considérées jusqu’ici comme des éloges. Je ne sais, du reste, si cette réhabilitation tardive sera pour lui un véritable avantage ; car prouver qu’il n’est pas un sot, c’est enlever à ses ouvrages presque toute leur importance.

Au lieu d’un témoin sincère, sur la probité duquel nous pensions pouvoir compter, nous n’entendons plus qu’un contemporain railleur dont la fausse bonhomie a trompé plusieurs générations de savants. Heureusement il nous reste encore deux hommes qu’on n’accusera jamais de malice : l’abbé de Pure, auteur de la Prétieuse, ce roman si ardemment recherché des bibliophiles, et l’historiographe René Barry, dont les Dialogues et la Rhétorique contiennent les exemples les plus exacts et les règles les plus certaines pour l’étude du langage des ruelles.