Page:Marty - Les principaux monuments funéraires.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MLLE DUCHESNOIS.




Duchesnois (Catherine, Joséphine Rafin), sociétaire du Théâtre-Français, naquit à Saint-Saulve près Valenciennes (Nord), le 5 juin 1777.

Élevée à Paris par une de ses sœurs, sa vocation pour le théâtre se décida dès l’âge de huit ans qu’elle assista à une représentation de Médée ; et malgré tous les obstacles qu’on multiplia pour l’en détourner, elle persista dans sa résolution de paraître sur la scène. Elle débuta à Valenciennes dans le rôle de Palmire (Mahomet) l’enthousiasme qu’excita une enfant de treize ans, sans modèle, sans études théâtrales, sans leçons et sans conseils, révéla aux témoins de ses premiers succès ce qu’elle serait un jour.

On a dit qu’elle fut élève de Legouvé ; le fait n’est point exact : il fut son guide et non son professeur ; il lui donna des avis et non des leçons, lui laissant surtout l’entière liberté de suivre les inspirations de son âme expansive et ardente ; après trois ans d’études elle débuta au Théâtre-Français par le rôle de Phèdre, le 21 juillet 1802.

Elle continua ses débuts dans Sémiramis, Roxelane, Hermione, pièces d’un caractère tellement opposé qu’elle développa au plus haut point la flexibilité de son talent. Elle aborda aussi avec un égal succès les rôles d’Andromaque, d’Ariane, d’Alzire, d’Aménaïde, de Clytemnestre, d’Athalie et de Mérope, conservant avec une intelligence rare, un talent toujours soutenu, les différentes passions du personnage qu’elle représentait, sans jamais confondre ces nuances délicates et fugitives qui différenciaient chacun de ses rôles.

Mlle Duchesnois était, on peut le dire, à l’apogée de sa brillante réputation, quand une rivale[1] vint se poser à côté d’elle, sous les auspices d’une de nos plus grandes tragédiennes[2]. Nous ne rappellerons pas les détails de la lutte qui s’éleva entre ces deux actrices ; nous dirons seulement qu’elle remporta la victoire, et prouva qu’elle en était digne par la création des rôles de Janne d’Arc, de Marie Stuart et d’Éléonore d’Aquitaine. Il a fallu à Mlle Duchesnois toute la sublimité de son génie pour enlever les suffrages dans le premier de ces rôles, si difficile à rendre par le peu de mouvements dramatiques qu’on y peut développer. Dans Marie Stuart et dans Éléonore d’Aquitaine, elle put se livrer à toutes les inspirations de son âme ; jamais le pathétique ne fut poussé aussi loin, et jamais les ressources de son beau talent ne parurent avec plus d’abondance et d’éclat.

  1. Mlle Georges.
  2. Mlle Raucourt.