Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’idéalité est donc transférée dans les atomes eux-mêmes[1]. Le plus petit d’entre eux n’est pas le plus petit de la représentation, mais il a une analogie avec lui, et on ne pense rien de déterminé dans tout cela. La nécessité, l’idéalité qui leur échoit est elle-même purement fictive, fortuite ; extérieure à eux-mêmes. C’est seulement ainsi qu’est exprimé le principe de l’atomistique épicurienne : l’idéel et nécessaire n’est que dans une forme représentée, extérieure à elle-même, dans la forme de l’atome. Voilà donc jusqu’où va la logique d’Epicure. καὶ μὴν καὶ ἰσοταχεῖς ἀναγκαῖον τὰς ἀτόμους εἶναι, ὅταν διὰ τοῦ κενοῦ εἰσφέρωνται μηθενὸς ἀντικόπτοντος[2]. [Diog. X 61]

Nous avons vu que le nécessaire, la connexion, la distinction en eux-mêmes sont transférés dans l’atome ou plutôt l’expression du fait que l’idéalité n’existe ici que dans cette forme extérieure à elle-même ; la même chose arrive en ce qui concerne le mouvement, qui tend nécessairement vers le repos, sitôt que l’on compare le mouvement de l’atome avec le mouvement des corps κατὰ τὰ συγκρίσεις[3] (Diog. X 62), c’est-à-dire du concret. Comparé à ce mouvement, celui des atomes est par principe absolu, c’est-à-dire que toutes les conditions empiriques sont en lui supprimées, qu’il est idéel. Il est essentiel, pour développer la philosophie d’Épicure et la dialectique qui lui est imma-

  1. . Si l’atome est fait de parties nécessairement agencées, il n’est plus le terme ultime de l’analyse et le principe de l’atomistique. Il n’est plus seul à rendre compte de lui-même, mais comprend en lui « l’idéel et nécessaire ». Or, l’atome incarne dans l’être immédiat et fictif la liberté de la représentation. Y introduire la nécessité ou l’idéel consiste à reconnaître cet idéel comme contenu latent de la représentation, donc à nier l’être-libre de celle-ci. L’idéel conteste l’illusion, le mirage de la représentation.

    La représentation et l’idéel, qui sont, dans leur opposition, deux moments du concept, sont ici réalisés, dans la forme de l’être, dans la figure unique de l’atome. Cette réalisation (abstraite) dans un même étant de deux moments contradictoires fait de l’atome lui-même un étant contradictoire.

  2. . En outre, les atomes possèdent nécessairement la même vitesse si, au cours de leur mouvement dans le vide, ils ne heurtent aucun obstacle.
  3. . Selon les compositions.