Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/147

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système (car celui-ci est son summun jus[1]), lorsqu’il dit que le sage considère la maladie comme un non-être, mais que l’apparence disparaît. Si donc il est malade, sa maladie est pour lui une apparence évanescente qui ne saurait durer ; s’il est en bonne santé, dans son existence essentielle, l’apparence n’existe plus et il a autre chose à faire que penser qu’elle pourrait être. Donc, s’il est malade, il ne croit pas à la maladie ; s’il est en bonne santé, il vénère sa santé comme si elle était l’état qui lui est dû : il se comporte comme un homme en bonne santé. En face de cet individu sain et décidé, quel triste sire que ce Plutarque qui doit se souvenir d’Eschyle, d’Euripide et même du docteur Hippocrate, pour ne pas seulement être joyeux de la santé !

La santé, comme l’état identique, s’oublie d’elle-même, car on ne s’y occupe pas du corps ; la différence d’avec le corps ne commence que dans la maladie.

Épicure ne veut certes pas d’une vie éternelle ; d’autant moins peut l’émouvoir le fait que l’instant présent peut cacher un malheur.

Tout aussi faux est le reproche suivant de Plutarque : τοὺς γὰρ ἀδικοῦντας καὶ παρανομοῦντας ἀθλίως, φασὶ, περιφόβως ζῆν τὸν πάντα χρόνον, ὅτι κἂν λαθεῖν δύνωνται, πίστιν περὶ τοῦ λαθεῖν λαβεῖν ἀδύνατόν ἐστιν. ὅθεν ὁ τοῦ μέλλοντος ἀεὶ φόβος ἐγκείμενος οὐκ ἐᾷ χαίρειν, οὐδὲ θαρρεῖν ἐπὶ τοῖς παροῦσι, ταῦτα δὲ καὶ πρὸς ἑαυτοὺς εἰρηκότες λελήθασιν, εὐσταθεῖν μὲν γὰρ ἔστι καὶ ὑγιαίνειν τῷ σώματι πολλάκις, πίστιν δὲ λαβεῖν περὶ τοῦ διαμενεῖν ἀμήχανον. ἀνάγκη δὴ ταράττεσθαι καὶ ὠδίνειν ἀεὶ πρὸς τὸ μέλλον ὑπὲρ τοῦ σώματος.[2]. [Plutarque, de eo quod 1090, 6]

C’est tout juste l’inverse de ce que pense Plutarque. Ce n’est qu’à partir du moment où l’individu singulier brise la loi et les mœurs communes, que celles-ci commencent à

  1. . Son plus haut droit.
  2. . Les criminels et les hors-la-loi, disent-ils, vivent sans cesse misérablement et dans la crainte ; même si, en effet, ils peuvent se cacher, il leur est impossible d’avoir confiance dans leur cachette. C’est pourquoi la crainte de l’avenir qui pèse sans cesse sur eux ne les laisse pas être heureux et leur interdit d’avoir confiance dans l’instant présent. Mais ils ont oublié qu’ils disaient cela aussi à leur propos, car il est possible au corps de connaître l’équilibre et d’être en bonne santé, mais il est impossible d’avoir confiance dans la durée de cet état ; il est nécessaire d’être troublé et d’être continuellement dans l’angoisse à propos de l’avenir du corps.